La carte postale, l'Instagram des boomers ?

A l'heure de Tik Tok, WhatsApp, Instagram, Signal, Snapchat, je plaide pour le retour en force de la bonne vieille carte postale. Pourquoi inonder le monde de photos, de messages instantanés, de vidéos alors qu'on peut envoyer une carte postale ?

Envoyer une carte postale, c'est faire l'éloge de la lenteur dans un monde où tout est accéléré, instantané, immédiat et tout aussi vite oublié . D'abord, il s'agit de trouver une carte postale. Jusque là, c'est facile. A côté des espadrilles, des casquettes loch Ness, des tee-shirts île de Ré ou pays basque, des tabliers cocasses, des liqueurs improbables aux myrtilles, de la soupe angevine, des saucissons à l'âne au piment d'Espelette et autres spécialités régionales, la carte postale figure, toujours et encore, en bonne place dans les magasins de souvenirs. Ceci dit, les touristes envoient-ils encore des cartes postales ? Rien n'est moins sûr. Commence le parcours du combattant pour trouver un timbre. À l'heure où la Poste française supprime ses agences avec le passage au tout numérique et cherche à justifier son existence (examen du code de la route, livraison de repas...), trouver un guichet de poste ouvert et acheter un timbre relève de l'exploit. Le choix du timbre est également un grand moment, surtout à l'étranger. À Canterbury, je me suis retrouvée devant une machine à choix multiples : tarif lent, tarif rapide, par avion, par navette Space X (je rigole) ; pour le Royaume Uni, l'Europe, le monde, la Voie lactée, etc. Je pouvais payer en liquide, par Mastercard, par Visa, par PayPal, par téléphone portable, par chameaux. En Allemagne, un agent m'a demandé si je voulais un timbre par avion pour la France : il y a un océan à traverser entre la France et l'Allemagne et on ne me l'aurait pas dit ?

Deuxième étape : rédiger la carte. Prendre sa plus belle plume, à encre bien sûr, avec des cartouches qui sont vendues dans des endroits aussi confidentiels que des librairies, également en voie d'extinction, comme les bureaux de poste et les baleines. S'asseoir. Se prendre le temps. Triturer ses méninges à la recherche d'une idée brillante, une phrase originale et parfaite et non le fameux texte : "bien le bonjour de mes vacances à Truchtersheim, le ciel est bleu, les cigognes sont noires et blanches". Envoyer une carte postale est une autre façon de dire, je t'accorde mon précieux temps, de l'attention, tu es une personne importante pour moi, je vous aime mes filles.

En réalité, je n'écris des cartes postales qu'à mes amies de 40 ans Sylvie et Colette et à mes filles, faute de temps . Tous les dimanches, j'examine avec attention ma récolte de cartes postales de la semaine et j'en envoie une, deux ou trois. Je m'amuse à envoyer une carte du Maroc depuis l'Allemagne du nord ou l'inverse. Je colle mon timbre, vérifie les adresses, cherche une boîte aux lettres. C'est un véritable parcours d'amitié, d'amour pour mes filles.

Mes amies Sylvie et Colette ouvrent leur boîte aux lettres régulièrement, mais mes filles sont d'une autre génération, celle où le courrier n'existe plus. Aurélie, ma fille parisienne, découvre parfois 3 à 4 cartes dans sa boîte aux lettres, ce qui signifie qu'elle l'ouvre une fois par mois. Lucille, ma "grelou" de Grenoble (pléonasme assumé), a posé ma carte quelque part, l'a oubliée pendant 15 jours, m'expliquant qu'elle préparait un triathlon, escaladait un sommet, et travaillait entre toutes ses activités. Peu m'importe, mes mots l'ont trouvée, ma carte accrochée sur son frigo, elle sait que je pense à elle.

Alors, je vous ai convaincus d'écrire une carte postale? Vous allez m'en envoyer une de vos vacances ? Ha, ha, vous ne pouvez pas, je n'ai pas de boîte aux lettres sur mon camping car.