València
- Denis

- 30 avr. 2022
- 5 min de lecture
Histoire - fleuve
Nous avons été invités par Nicole, ancienne collègue de Dominique, à la rejoindre avec son mari Klaus chez leurs amis résidant à València, qui nous ont très gentiment accueillis chez eux.
Quand on ne connaît pas du tout Valence (València en valencien, le dialecte local - proche du catalan), et qu'on examine la carte à la recherche d'itinéraires cyclables, une chose attire tout de suite le regard : une longue coulée verte.
On découvre en se penchant sur l'Histoire de la ville, que ce qui contribue à son attractivité aujourd'hui (en plus de ses 300 jours de soleil par an) trouve son origine dans une catastrophe.
València était historiquement traversée par le Rio Túria. Le 14 octobre 1957, une crue exceptionnelle du fleuve a inondé la majeure partie de la ville. Certaines rues se sont ainsi retrouvées sous 5 mètres d'eau. Le bilan a été de 82 morts, 4 000 logements détruits, 20 000 sans abri et des dégâts matériels estimés à 12 milliards de pesetas de l'époque. Cette crue n'est alors que la dernière d’une longue série d’inondations connues par la ville au cours des siècles.
Face à l'ampleur du désastre, et craignant que de telles catastrophes ne se reproduisent, les autorités valenciennes ont décidé d'entreprendre des travaux de grande ampleur. Parmi les solutions envisagées, c'est le détournement du fleuve, par le creusement d'un nouveau lit au sud de la ville, qui a été retenu.
Les travaux du « plan sud » se sont étalés de 1961 à 1970. Large de 200 m et long de 13 km, le nouveau lit du Rio Túria est longé d'une rocade routière sur chaque rive, enjambé par 9 ponts routiers et 3 ponts ferroviaires et a nécessité le réaménagement de tous les réseaux d'irrigation.
València et le Túria avant et après le plan Sud
a : zone urbanisée, b : zone affectée par la crue de 1957
c : axes routiers, d : voies ferrées,
e : nouveau cours du Túria
f : ancien lit aménagé en espace public
g : autoroutes et voies express
6 : Palais des arts et sciences, Oceanogràfic, etc
Ce choix de détourner le fleuve aurait pu avoir des conséquences très négatives.
Retirer l’eau d’une ville, n’est-ce pas la faire mourir un peu ?
Que faire de l’ancien lit du fleuve, grande « cicatrice » asséchée qui traverse la ville ?
Quand les autorités imaginent un projet d’autoroute, les Valenciens font entendre leur désaccord : « El llit del Túria es nostré i el volem verd » (Le lit du Túria est à nous, et nous le voulons vert). Et ils gagnent ce combat : le Túria deviendra un immense jardin. Au début des années 1980, après une consultation citoyenne, de grands travaux sont lancés sous l’égide de l’architecte espagnol Ricardo Bofill.
Inauguré en 1986, le Jardin du Túria est aujourd’hui un parc de 7 km de long qui traverse Valence, un poumon vert à la végétation luxuriante. On y croise des joggeurs, des promeneurs, des équipes de football s’entraînant dans les stades qui y ont été aménagés, des enfants venus profiter des aires de jeux et des cyclistes qui arpentent les larges pistes cyclables.
Mais bien plus que Boffill, c'est l'architecte valencien Santiago Calatrava qui a marqué la ville de son empreinte, par la création des ouvrages modernes emblématiques de la ville, édifiés à l'extrémité de ce vaste espace, juste avant l'ancienne embouchure du fleuve. Calatrava fait partie du même mouvement déconstructiviste que Frank Gehry, l'architecte dont nous avons parlé à propos de Bilbao.
Pour intéressantes qu'elles soient, cette Histoire et ces descriptions ne font que poser un cadre. C'est l'immersion dans cet univers qui est merveilleuse, et il est temps de laisser la place aux images.

Quand je parle d'immersion, c'est au sens propre : on descend dans l'ancien lit du Túria comme on irait prendre un bain de verdure et d'espace.
Voici, en vidéo, comment la ville s'interface avec le plus vaste parc urbain public d'Espagne :
Les œuvres architecturales de Calatrava sont tout bonnement extraordinaires.
Par ordre d'apparition pour nous, d'ouest en est :
Palais des Arts (Palau de Les Arts)

Cet opéra moderne évoque pour certains la forme d'un bateau. Pour les connaisseurs de l'Art de construire, l'aspect aérien et suspendu de la forme élancée qui coiffe le bâtiment est une prouesse technique qui laisse admiratif.
Hemisfèric


Ce bâtiment accueille un cinéma qui projette des images immersives de type IMAX 3D. La forme évoque celle d'un œil, qui joue avec les reflets de l'étendue d'eau qui lui sert d'écrin.
Musée des sciences (Museu de les Ciències)

Cet ouvrage évoque un squelette. J'ai trouvé que que les formes galbées de l'ossature de béton ne sont pas sans rappeler celles que Gaudi a données aux structures porteuses de la Sagrada Família de Barcelone.
Umbracle


Cette galerie végétale en plein air, qui longe les ouvrages précédents, est coiffée d'une structure métallique voûtée… envoûtante. La promenade qui l'accompagne met particulièrement en valeur l'ensemble de ces aménagements urbains.
Pont de l'Assut de l´Or (Jamonero)

Il a été nommé d'après le pont d'origine, construit en 1882, qui avait été ainsi baptisé parce qu'à l'époque, il y avait à cet endroit une retenue d'eau qui alimentait les rizières de Valence (Assut signifiant barrage en valencien). Ses 29 haubans peuvent évoquer une harpe, mais les Valenciens, taquins, ont trouvé que son mât rappelle la forme d'un objet familier des ibères: ils l'ont rebaptisé Jamonero (présentoir à jambon).
Haut de 123 m, il constitue un véritable signal visuel de la ville, visible de très loin. De fait, nous avons très bien pu le voir, quelques jours plus tard, depuis la Platja del Saler .
Oui : en plus du climat et de ce cadre de vie exceptionnels, les valenciens habitent à quelques tours de pédales d'une immense plage de sable fin.
Ágora
L'Ágora, évoquant un coquillage, est une place couverte qui fait partie du complexe architectural de la Cité des arts et des sciences. C'est le bâtiment que l'on aperçoit derrière le pont, sur la photo précédente. En travaux au moment de notre passage, nous n'avons pas pu réaliser de cliché qualitatif.
Oceanogràfic
Œuvre co-signée avec l'architecte hispano-mexicain Félix Candela, il s'agit d'un immense aquarium, qui présente 500 espèces des principaux écosystèmes marins du monde. Nous ne l'avons pas visité.
La couleur blanche voulue par Calatrava pour ces ouvrages les met particulièrement en valeur sous le soleil et le ciel bleu valencien.

Même lorsque la météo n'est pas au grand beau temps, les bâtiments et les plans d'eau jouent avec l'aspect du ciel et avec la lumière.

Et depuis tous les lieux alentours, ils créent un décor et des points d'appel visuels.

Tout à l'inverse d'autres parcs dans le monde, où il n'est même pas question de marcher sur les pelouses, ici tout invite à s'y installer, à flâner, à utiliser les plans d'eau ou à faire la fête.
On en oublierait presque de visiter le reste de la ville, qui possède également un patrimoine intéressant. C'est Nicole qui nous a servi de guide pour nous le faire découvrir.

Merci à Nicole et Klaus pour leur gentillesse, et merci à Gérald et Nicole, Valenciens d'adoption, pour nous avoir accueilli chez eux et fait partager leur passion pour cette ville (et pour leur nouveau camping-car, sujet dont nous avons évidement beaucoup parlé).
La passionnante Histoire de cette ville et de son fleuve valait bien cette histoire-fleuve, n'est-ce pas?
Ainsi s'achève notre série d'articles sur notre séjour hivernal 2021-2022 en Espagne.
Mon prochain billet présentera le pays très photogénique que nous arpentons déjà depuis une vingtaine de jours, et aussi une nouveauté qui vous permettra de suivre notre itinéraire et nos étapes sur une carte, en quasi-direct.
Si ce n'est déjà fait, pensez à vous abonner, pour ne rien rater.
Pour en savoir plus :
Grande inondation de Valence : wikipedia.fr
Turia, le roman-fleuve de Valence : lemonde.fr
Valence et le détournement du Turia, Roland Courtot : https://hal-amu.archives-ouvertes.fr/hal-03084169/document
Jardins du Túria : wikipedia.fr
Santiago Calatrava Valls : wikipedia.fr





















































Merci Denis, pour ce magnifique reportage qui laisse apparaître votre attachement pour cette belle cité de Valencia. Pour être honnête : j'avais effectivement concocté une visite du centre ville pour Denis et Dominique, mais face à mon sens de l'orientation défectueux 🤪 nous étions heureux que Denis nous aide à ne pas nous perdre dans les ruelles pittoresques 😅. Et soyez rassurés tous les deux : Klaus et moi, ainsi que nos amis Gérald et Nicole, avons beaucoup apprécié votre compagnie et les très agréables moments partagés avec vous 🥰.